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Le travail du futur, mode d'emploi résumé

Dans la théorie du management, quelques auteurs, souvent américains, ont le talent de faire un bon résumé des tendances du moment. C’est écrit souvent avec justesse, sans génie, mais alimenté par beaucoup d’observations et d’entretiens comme savent si bien le faire les Anglo-saxons et non pas par du jus de cerveau comme les penseurs français genre Attali.
Jacob Morgan est l’un de ces auteurs et son bouquin Future of Work dit tout sur le sujet. Oui, je sais, je ne suis pas en avance, une fois de plus, ok, le bouquin est sorti en août 2014, ok. Mais, apparemment, et sauf erreur de ma part, il n'est pas encore traduit en français. Encore une preuve de l'agilité et de la réactivité des éditeurs français, c'est pas croyable! Et quand je pense que je porte le même nom qu'un éditeur (avec qui je n'ai rien à voir), j'ai honte!
Bref, deux schémas résument bien la vision de Jacob Morgan:
- les 5 facteurs de changement,
- le changement d'organisation.
A/ Le monde est basé sur 5 facteurs de changement  qui interagissent : 
1. nouveaux comportements basés sur le web et les réseaux sociaux;
2. technologies collaboratives et interactives (cloud, big data, internet des objets);
3. nouvelles attentes et façons de travailler de la génération du millénaire (ou millennials en anglais) que Jacob Morgan place entre génération Y et génération Z (NDLR : qu’on nomme aussi Génération C, pour Communication, Collaboration, Connexion et Créativité);
4. mobilité du travail (partout, tout le temps, avec n’importe quel terminal = ATAWAD : anytime, anywhere, on any device), 
5. globalisation (fin des frontières).
B/ Dans ce monde-là, le futur du travail se dessine tout simplement dans le sens inverse de celui du passé : hier l’employé s’adaptait aux ordres du manager qui s’adaptait aux contraintes de l’organisation tandis que les décisions parcouraient le chemin inverse; demain l’employé imposera ses attentes et des façons de vivre au manager.

Celui-ci les traduira en nouveaux process qui feront bouger l’organisation pour qu’elle s’adapte à eux.
L'auteur en déduit 14 principes de la future organisation, 10 principes du futur manager et 7 principes du futur employé, que je vais pas vous dévoiler bien sûr, vous n’avez qu’à lire le bouquin. Bon d’accord je vous donne quand même un ou deux schémas, j'espère ne pas me faire engueuler par Jacob, hein?
On se dit à la lecture : bon sang mais c’est bien sûr ! Comment n’y ai-je pas pensé plus tôt ? Ben oui, c’est sûr, ce n'est pas génial, mais c’est bien écrit. Merci Jacob.
Quant aux petits gars du millénaire, l’auteur prévoit qu’en 2020 ils formeront la moitié des actifs américains !
Ces petits gars et filles sympathiques n’ont pas la grosse tête mais enfin :
- ils remettent en question les formations universitaires; 
- ils sont davantage concernés que nous par le développement durable;
- ils aiment apprendre et enseigner toute la vie;
- ils ont grandi avec les technologies collaboratives;
- ils ne reçoivent pas 200 emails par jour, eux;
- ils n’imaginent pas être assis dans un cube de 9 heures à 18 heures, eux; 
- ils ne s’habillent pas en costard-cravate, eux;
- ils ne veulent/peuvent pas utiliser de vieilles technos pour trouver des gens ou une info. 
Voila, c’est comme ça, faut faire avec.
Je me suis toujours moqué des discours qui commencent par « le monde change » : la phrase, prononcée d’un air plein de sous-entendus, face à un public qui acquiesce lourdement, permet seulement de cacher son incompréhension ou son incompétence. 
Aujourd’hui, il faudrait au moins dire, « le changement change ! »
Mais Jacob Morgan va un peu plus loin, heureusement , que les facteurs habituels (technologies, innovation etc.).
Même si c'est évident, ça fait toujours du bien de lire ce genre de raisonnement couché sur du papier: on se dit qu'on n'est pas si idiot que ça.
Pour lui, trois nouveaux facteurs changent le changement, 
1. le changement s’accélère ;
2. le monde est connecté ;
3. toute activité (y compris la vôtre bien sûr) est susceptible d’être disruptée. 
Bonjour l’angoisse !
Jacob Morgan utilise la métaphore de Ray Kurzweil, le fameux inventeur génial que j’avais interviewé sur sa vision de l’homme bionique ; il cite l’une des histoires de l’invention des échecs, celle qui l'attribue au brahmane Sissa. Ce dernier se serait fait payer cette  invention par le roi Belkid en demandant qu'on place un grain de riz sur la première case de l’échiquier, deux sur la deuxième, quatre sur la troisième etc. Cette demande parait ridicule mais elle conduit à une quantité inenvisageable  (2 puissance 63 sur la dernière case) ; pour Kurzweil, il existe un point d’inflexion à la moitié des cases, à partir duquel la progression devient exponentielle. 
Nous sommes aujourd’hui à ce point d’inflexion dans l’histoire des progrès du monde. En voila de la métaphore!
Bref, je traduis: le coup des bonnes pratiques ne va plus vous sauver car elles seront obsolètes dès que vous les aurez formalisées!
Les Américains s’en amusent en disant qu’aujourd’hui « late adopter » (celui qui adopte tardivement) est synonyme de « out of business » (sorti du business). Hier, rappellez-vous, si vous demandiez: « Quand mon PC est-il obsolète? », on vous répondait: « Quand vous le sortez du carton ». 
Le pouvoir universel de la disruption, quand à lui, est bien démontré : 
- les transports se gèrent avec des apps ;  
- l’intelligence artificielle diagnostique des maladies ;
- on paie avec son smartphone ;
- les secteurs publics dans le monde entier ouvrent leurs données au public ;
- des voitures sont conçues en crowdsourcing ;
- les vêtements et accessoires d’habillage sont connectés ;
- l’impression 3D permet  à tout un chacun de construire un avion.
Manager différemment ?
Quant aux managers actuels, la plupart travaille encore selon les principes d’Henri Fayol (1841-1925), célèbre ingénieur des mines, pour qui "administrer" comprend 6 missions :
- prévoir et planifier;
- organiser;
- commander et diriger;
- coordonner;
- développer la production;
- contrôler.
C’est pas beau, ça ! 
Du coup, les managers maintiennent des principes obsolètes, à l’heure du passage de la théorie X du management autoritaire à la théorie Y du plaisir et de la responsabilité, construite par Douglas Mc Gregor en1960. 
Bref ils ont plein de défauts partout :
- ils croient aux vertus de la hiérarchie et de l’organigramme, les pauvres ! ;
- ils sont trop peu à trop contrôler ;
- ils sont les seuls à avoir accès à l’information et à prendre des décisions ;
- ils ne laissent pas de place à l’expérimentation ;
- ils croient au passé ;
- leurs reviews sont annuelles ;
- ils se focalisent sur les mauvais objectifs (productivité,…).
Bon, je ne vais pas vous résumer tout le bouquin, hein, à vous  de le mériter maintenant. 
Par exemple, vous découvrirez l’effet Ringelmann (1831-1931, agronome français, auteur d'une théorie de la paresse sociale) que l’auteur définit comme « la tendance fascinante pour tout individu membre d’un groupe à devenir de moins en moins productif au fur et à mesure que le groupe grandit ».
Ringelmann avait réalisé son test sur un groupe de jeunes gens tirant une grosse masse à la corde : plus le nombre de tireurs augmentait, moins l’effort individuel (mesuré par le poids de la masse tractée divisé par le nombre de tireurs) était important. 
L’exercice a été repris plus récemment par le MIT (à Penn State et Chapel Hill) : les profs Staats, Milkman et Fox ont demandé à deux groupes de construire le plus vite possible une grosse structure en Lego ; le premier groupe de 2 personnes y est parvenu en 36 minutes ; le deuxième groupe de 4 personnes en 56 minutes…
Supercell, citée par l'auteur, est une entreprise moderne qui a compris ce paradoxe. Bon, peut-être son conseil s’appelle-t-il … Jacob Morgan ? Question vicieusement perfide car, en fait, je n'en sais rien, excuse-moi Jacob ! C'est donc une entreprise finlandaise de jeux vidéo  de 100 personnes, dont le CEO, Ikka Paananent, se définit lui-même comme le patron le moins puissant du monde ! L’entreprise est pourtant valorisée à 3 milliards de dollars, alors qu'elle compte beaucoup moins de personnel que la plupart de ses concurrents… Elle applique probablement la théorie des deux pizzas de Jeff Bezos : ne jamais faire de réunion où deux pizzas ne suffiraient pas à nourrir les participants. C'est à prendre dans le sens du nombre mais aussi du temps.
Une étude CYBAEA confirme la tendance ; plus une organisation est grande, moins elle est productive  : Allen Engelhardst « The 3/2 rule of Employee Productivity » CYBAEA journal (16 octobre 2006) )
Enfin, vous trouverez aussi dans cet ouvrage « Future of the Work » :
- l’histoire des mots entrepreneur et intrapreneur, ce dernier symbolisant une culture appréciée par l’auteur, comme celle de Virgin ou de Cisco;
- les 12 habits de l’entreprise hautement collaborative;
- le process en 6 étapes pour s’adapter au futur du travail et devenir une organisation du futur.
Mais je l'avoue, je trouve l’auteur moins pertinent dans cette deuxième partie, où on retombe sur des conseils plus généraux du style yakafokon, qui m’amusent moins.
EASYF !
(Enjoy And See You in the Fayard's future ! c’est moi qui vient de créer le sigle , il est pas mal non pour signer un article ?...)

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