lundi 11 novembre 2013

Garcia Lorca (Federico) : Oda a Salvador Dali / Ode à Salvador Dali (traduction Paul Eluard)

Una rosa en el alto jardín que tú deseas.
Una rueda en la pura sintaxis del acero.
Desnuda la montaña de niebla impresionista.
Los grises oteando sus balaustradas últimas.

Los pintores modernos en sus blancos estudios,
cortan la flor aséptica de la raíz cuadrada.
En las aguas del Sena un ice-berg de mármol
enfría las ventanas y disipa las yedras.

El hombre pisa fuerte las calles enlosadas.
Los cristales esquivan la magia del reflejo.
El Gobierno ha cerrado las tiendas de perfume.
La máquina eterniza sus compases binarios.

Una ausencia de bosques, biombos y entrecejos
yerra por los tejados de las casas antiguas.
El aire pulimenta su prisma sobre el mar
y el horizonte sube como un gran acueducto.

Marineros que ignoran el vino y la penumbra,
decapitan sirenas en los mares de plomo.
La Noche, negra estatua de la prudencia, tiene
el espejo redondo de la luna en su mano.

Un deseo de formas y límites nos gana.
Viene el hombre que mira con el metro amarillo.
Venus es una blanca naturaleza muerta
y los coleccionistas de mariposas huyen.

* * *

Cadaqués, en el fiel del agua y la colina,
eleva escalinatas y oculta caracolas.
Las flautas de madera pacifican el aire.
Un viejo dios silvestre da frutas a los niños.

Sus pescadores duermen, sin ensueño, en la arena.
En alta mar les sirve de brújula una rosa.
El horizonte virgen de pañuelos heridos,
junta los grandes vidrios del pez y de la luna.

Una dura corona de blancos bergantines
ciñe frentes amargas y cabellos de arena.
Las sirenas convencen, pero no sugestionan,
y salen si mostramos un vaso de agua dulce.

* * **

¡Oh, Salvador Dalí, de voz aceitunada!
No elogio tu imperfecto pincel adolescente
ni tu color que ronda la color de tu tiempo,
pero alabo tus ansias de eterno limitado.

Alma higiénica, vives sobre mármoles nuevos.
Huyes la oscura selva de formas increíbles.
Tu fantasía llega donde llegan tus manos,
y gozas el soneto del mar en tu ventana.

El mundo tiene sordas penumbras y desorden,
en los primeros términos que el humano frecuenta.
Pero ya las estrellas ocultando paisajes,
señalan el esquema perfecto de sus órbitas.

La corriente del tiempo se remansa y ordena
en las formas numéricas de un siglo y otro siglo.
Y la Muerte vencida se refugia temblando
en el círculo estrecho del minuto presente.

Al coger tu paleta, con un tiro en un ala,
pides la luz que anima la copa del olivo.
Ancha luz de Minerva, constructora de andamios,
donde no cabe el sueño ni su flora inexacta.

Pides la luz antigua que se queda en la frente,
sin bajar a la boca ni al corazón del bosque.
Luz que temen las vides entrañables de Baco
y la fuerza sin orden que lleva el agua curva.

Haces bien en poner banderines de aviso,
en el límite oscuro que relumbra de noche.
Como pintor no quieres que te ablande la forma
el algodón cambiante de una nube imprevista.

El pez en la pecera y el pájaro en la jaula.
No quieres inventarlos en el mar o en el viento.
Estilizas o copias después de haber mirado,
con honestas pupilas sus cuerpecillos ágiles.

Amas una materia definida y exacta
donde el hongo no pueda poner su campamento.
Amas la arquitectura que construye en lo ausente
y admites la bandera como una simple broma.

Dice el compás de acero su corto verso elástico.
Desconocidas islas desmiente ya la esfera.
Dice la línea recta su vertical esfuerzo
y los sabios cristales cantan sus geometrías.

* * *

Pero también la rosa del jardín donde vives.
¡Siempre la rosa, siempre, norte y sur de nosotros!
Tranquila y concentrada como una estatua ciega,
ignorante de esfuerzos soterrados que causa.

Rosa pura que limpia de artificios y croquis
y nos abre las alas tenues de la sonrisa
(Mariposa clavada que medita su vuelo).
Rosa del equilibrio sin dolores buscados.
¡Siempre la rosa!

* * *

¡Oh, Salvador Dalí de voz aceitunada!
Digo lo que me dicen tu persona y tus cuadros.
No alabo tu imperfecto pincel adolescente,
pero canto la firme dirección de tus flechas.

Canto tu bello esfuerzo de luces catalanas,
tu amor a lo que tiene explicación posible.
Canto tu corazón astronómico y tierno,
de baraja francesa y sin ninguna herida.

Canto el ansia de estatua que persigues sin tregua,
el miedo a la emoción que te aguarda en la calle.
Canto la sirenita de la mar que te canta
montada en bicicleta de corales y conchas.

Pero ante todo canto un común pensamiento
que nos une en las horas oscuras y doradas.
No es el Arte la luz que nos ciega los ojos.
Es primero el amor, la amistad o la esgrima.

Es primero que el cuadro que paciente dibujas
el seno de Teresa, la de cutis insomne,
el apretado bucle de Matilde la ingrata,
nuestra amistad pintada como un juego de oca.

Huellas dactilográficas de sangre sobre el oro,
rayen el corazón de Cataluña eterna.
Estrellas como puños sin halcón te relumbren,
mientras que tu pintura y tu vida florecen.

No mires la clepsidra con alas membranosas,
ni la dura guadaña de las alegorías.
Viste y desnuda siempre tu pincel en el aire
frente a la mar poblada de barcos y marinos.
Une rose dans le haut jardin que tu désires.
Une roue dans la pure syntaxe de l’acier.
Elle est nue la montagne de brume impressionnistes.
Les gris en sont à leurs dernières balustrades.

Dans leurs blancs studios, les peintres modernes
Coupent la fleur aseptique de la racine carrée.
Sur les eaux de la Seine, un iceberg de marbre
Refroidit les fenêtres et dissipe les lierres.

L’homme, d’un pas ferme, foule les rues dallées
Et les vitres esquivent la magie du reflet.
Le Gouvernement a fermé les boutiques de parfums.
La machine éternise ses mouvements binaires.

C’est une absence de forêts, de paravents, d’entre-sourcils
Qui rôde par les terrasses des maisons antiques.
Et c’est l’air qui polit son prisme sur la mer,
C’est l’horizon qui monte comme un grand aqueduc.

Les marins ignorant le vin et la pénombre
Décapitent les sirènes sur des mers de plomb.
La Nuit, noire statue de la prudence,
Tient le miroir rond de la lune dans sa main.

Un désir nous gagne, de formes, de limites.
Voici l’homme qui voit à l’aide d’un mètre jaune.
Venus est une blanche nature-morte.
Voici que les collectionneurs de papillons s'effacent.

* * *

Cadaquès, sur le fléau de l’eau et de la colline,
Soulève des gradins et enfouit des coquilles.
Des flûtes de bois pacifient l’air.
Un vieux dieu sylvestre donne des fruits aux enfants.

Sans avoir pris le temps de s’endormir, les pêcheurs dorment sur la sable.
En haute mer, ils ont une rose pour boussole.
L’horizon vierge de mouchoirs blessés
Joint les masses vitrifiées du poisson et de la lune.

Une dure couronne de blanches brigantines
Ceint des fronts amers, des cheveux de sable.
Les sirènes persuasives ne nous suggestionnent pas.
Elles apparaissent au premier verre d’eau douce.

* * *

Ô Salvador Dali à la voix olivée !
Je ne vante pas ton imparfait pinceau adolescent,
Ni ta couleur qui courtise la couleur de ton temps.
Je chante ton angoisse, ô limité, limité éternel !

Âme hygiénique, tu vis sur des marbres nouveaux.
Tu fuis l’obscure selve des formes incroyables.
Où atteignent tes mains, ta fantaisie atteint,
Et tu jouis du sonnet de la mer dans ta fenêtre.

Aux premières bornes que l’homme rencontre,
Le monde n’est que désordre et que sourde pénombre.
Mais déjà les étoiles, cachant les paysages,
Désignent le schéma parfait de ses orbites.

Le courant du temps s’apaise et s’ordonne
Dans les formes numériques d’un siècle, et d’un autre siècle.
La Mort vaincue se réfugie en tremblant
Dans le cercle étroit de la minute présente.

En prenant ta palette, dont l’aile est trouée d’un coup de feu,
Tu demandes la lumière qui anime la coupe renversée de l’olivier.
Large lumière de Minerve, constructrice d’échafaudages,
Lumière où ni le songe, ni sa flore inexacte n’ont place.

Tu demandes la lumière antique qui reste sur le front,
Qui ne descend ni à la bouche, ni au cœur de l’homme.
Lumière que craignent les vignes poignantes de Bacchus
Et la force désordonnée qui porte l’eau courbe.

Tu as raison de banderoler la limite obscure,
Toute brillante de nuit. Et en tant que peintre,
Tu ne veux pas que ta forme soit amollie
Par le coton changeant d’un nuage imprévu.

Le poisson dans le vivier, l’oiseau dans la cage,
Tu ne veux pas les inventer dans la mer ou le vent.
Après les avoir, de tes honnêtes pupilles, bien regardés,
Tu stylises ou copies les petits corps agiles.

Tu aimes une matière définie et exacte
Où le champignon ne puisse dresser sa tente.
Tu aimes l’architecture qui contruit dans l’absent
Et tu prends le drapeau pour une simple plaisanterie.

Le compas d’acier rythme son court vers élastique.
La sphère déjà dément les îles inconnues.
La ligne droite exprime son effort vertical
Et les cristaux savants chantent leurs géométries.

* * *

Mais encore et toujours la rose du jardin où tu vis.
Toujours la rose, toujours ! nord et sud de nous-mêmes !
Tranquille et concentrée comme une statue aveugle,
Ignorante des efforts souterrains qu’elle cause.

Rose pure, abolissant artifices et croquis
Et nous ouvrant les ailes ténues du sourire.
(Papillon cloué qui médite son vol).
Rose de l’équilibre sans douleurs voulues. Toujours la rose !

* * *

Ô Salvador Sali à la voix olivée !
Je dis ce que me disent ta personne et tes tableaux.
Je ne loue pas ton imparfait pinceau adolescent,
Mais je chante la parfaite direction de tes flèches.

Je chante ton bel effort de lumières catalanes
Et ton amour pour tout ce qui explicable.
Je chante ton cœur astronomique et tendre,
Ton cœur de jeu de cartes, ton cœur sans blessure.

Je chante cette anxiété de statue que tu poursuis sans trêve,
La peur de l’émotion qui t’attend dans la rue.
Je chante la petite sirène de la mer qui te chante,
Montée sur une bicyclette de coraux et de coquillages.

Mais avant tout je chante une pensée commune
Qui nous unit aux heures obscures et dorées.
L’art, sa lumière ne gâche pas nos yeux.
C’est l’amour, l’amitié, l’escrime qui nous aveuglent.

Bien avant le tableau que, patient, tu dessines,
Bien avant le sein de Thérèse, à la peau d’insomnie,
Bien avant la boucle serrée de Mathilde l’ingrate,
Passe notre amitié peinte comme un jeu d’oie.

Que des traces dactylographiques de sang sur l’or
Rayant le cœur de la Catalogne éternelle !
Que les étoiles comme des poings sans faucon t’illuminent,
Pendant que ta peinture et que ta vie fleurissent.

Ne regarde pas la clepsydre aux ailes membraneuses,
Ni la dure faux des allégories.
Habille et déshabille toujours ton pinceau dans l’air,
Face à la mer peuplée de barques et de marins.


Oda a Salvador Dalí. Traduction de Paul Éluard, 1938

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